21. Coccinelles sur autoroutes

Beaver Brook Canyon, Colorado, USA.
Samedi 13 Octobre 2012, 10:00 PM.

La nuit tombait sur le petit canyon. Ryan alluma les phares à longue portée sur le toit du 4×4 et démarra.  Ils roulèrent un moment sur de petits lacets puis arrivèrent le long du lac Shadow. Il faisait nuit noire. Le 4X4 était constellé de terre battue depuis son passage dans le Canyon de Beaver Creek. La grosse voiture se gara sur la pelouse fraichement tondue. De petits lampadaires éclairaient la pelouse parfaitement tondue et la grande terrasse en bois face au lac. Bones se tenait de dos, assis face à l’étendue d’eau. Il semblait tenir religieusement entre ses mains un ouvrage. Ryan arriva sur la terrasse presque essoufflé. Il annonça à Bones d’un seul trait :

–       Nous venons de cambrioler les locaux de H24 médical !

–       Fichtre. Mais quelle mouche vous a piqué ? S’exclama Bones, qui venait de faire tomber par terre le livre qu’il tenait entre les mains. Sur la tranche du livre qui était tombé sous la terrasse, au niveau du sous-sol, Ryan lu : « Hannah Arendt, le système totalitaire ». Il ne pouvait pas tomber plus bas. Pensa le pilote.

–       Oui. Ce que nous avons trouvé chez H24 est extrêmement intéressant ! déclara Fox qui tenait entre ses mains la précieuse enveloppe en papier kraft développée chez le vétéran.

–       Nous avons été opéré clandestinement. Nous avons vu le dossier médical. Annonça Ryan.

–       Ah. Vous savez, désormais. C’est bien ce que je craignais. Suivez-moi. Déclara Bones.

Fox et Ryan entrèrent dans le petit hangar qui n’était pas fermé. Ils allumèrent la vieille lampe à huile accrochée à une des poutres. Ils tirèrent le bout situé sur la trappe. La cave s’éclaira. Les pierres apparaissaient puis disparaissaient suivant la volonté de la petite flamme protégée par son tube en verre. Les baskets de Ryan foulèrent le sol en terre puis sa main tâtonna le long des vieux casiers à bouteille. Il vit l’étiquette du château Petrus 1947. Il actionna  le levier métallique. Le casier à bouteille et le mur basculèrent d’un bloc. Le souffle froid du tunnel lui donna à nouveau la chair de poule. Cette fois-ci, les petites ampoules à filament le long de l’escalier s’allumèrent au quart de tour. Les batteries sont rechargées depuis la dernière fois ! Pensa Ryan. Ils descendirent le long escalier froid et lugubre en béton et tournèrent le lourd volant en acier. La lourde porte blindée s’ouvrit avec moins de difficulté que la première fois.

***

–       Alors, qu’avez vous trouvé précisément chez H24 Médical ? Demanda Bones.

–       Nous avons trouvé un dossier médical, juste avant d’être surpris par le gardien, annonça Ryan.

–       Trois documents. Un plan d’autoroute, une lettre de Le Corbusier concernant Fort Knox et une carte du monde. Ajouta Fox en tendant à Bones la grande enveloppe en papier kraft.

–       Et nous avons eu le temps d’apercevoir le dossier médical du 21 septembre ! Ajouta Ryan.

–       Oui, il était indiqué : neurochirurgie, matrice de Butler et patch radio. Le motif de la chirurgie était l’épilepsie, déclara Fox.

–       Je m’en doutais. Annonça Bones, qui n’était pas vraiment surpris par la déclaration des deux pilotes de H24 Médical.

Bones s’assit à la table de la cuisine. Face à lui, Ryan pouvait observer les rations militaires périmées et les vieilles boîtes de conserve qui dataient du temps de la guerre froide. Il commença d’un ton solennel :

–       Voilà ce qui s’est probablement passé. Vous avez été endormi puis placé sous état d’hypnose. Ensuite, ils vous ont découpé le crâne sous anesthésie locale. Enfin, une matrice de Butler, une sorte de patch en silicone constitué de petites et fines électrodes a été implanté sous votre crâne. Ils prennent pour point de repère la fissure calcarine pour implanter leur saloperie. Ensuite un neurochirurgien a probablement vérifié vos fonctions cognitives, toujours sous hypnose. Enfin, ils ont refermé votre crane, et, pour finir, ils vous ont transporté ailleurs… ils ont attendu que ça cicatrise, et ils vous ont réveillé à l’endroit qui les arrangeaient, au moment ou ils le souhaitaient. Et ils vous ont fait croire à une forme de linéarité du temps. « Showtime ». Déclara Bones.

Fox regardait silencieusement le sol en béton de l’abri. Son regard parcouru le vieux circuit électrique qui courait le long du mur. Il s’arrêta sur le tableau électrique de l’abri surmonté d’un petit éclair jaune.

–       Mais, c’est impossible ? Annonça notre copilote de l’Air Force.

–       Totalement !  On s’en serait rendu compte ! S’indigna Ryan.

–       Non, répondit Bones, qui continua. La fréquence d’émission et de réception des implants est comprise entre 0.5 et 10 Gigahertz. Une gamme de fréquence spécifique a été spécialement créée par les autorités fédérales. L’ISM band. La dernière génération « intelligente » de radio permet aux implants de se connecter au meilleur réseau radio disponible tout en dépensant un minimum d’énergie. C’est un vieux plan de la guerre froide, destiné à gagner la troisième guerre mondiale avec des Cyborgs. Déclara Bones.

–       Des Cyborgs. Des Cyborgs… Répéta Ryan.

–       C’est impossible, déclara Fox.

***

Ils refermèrent la lourde porte blindée, remontèrent par l’escalier. Dans la cave, ils actionnèrent de nouveau le lourd levier. La cave à vin bascula. Ils quittèrent sans un bruit le hangar à bateau sous la lumière lunaire. La grosse clémentine éclairait le lac. Au loin, de gros nuages noirs s’étaient formés.  Le vent soufflait. Une tempête se prépare sûrement, songea Ryan.

***

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