13. Un caïman pas très commode

Denver, Centre Commercial de Cherry Creek, Colorado, USA.
Mercredi 10 Octobre 2012, début d’après-midi.

Après le week-end plutôt mouvementé passé à Grand Lake, Ryan, plutôt dépensier, avait décidé d’effectuer quelques dépenses vestimentaires dans le centre commercial de Cherry Creek. Il s’apprêtait à régler une note salée chez Abercrombie & Fitch. Il présenta sa petite carte de crédit noire. Private Offshore Bank brillait en lettre d’or sur le luxueux petit rectangle.

–       Monsieur, votre carte ne passe pas, annonça le jeune vendeur body buildé aux dents parfaitement alignées ultra-blanches.

–       Comment ça ? C’est totalement IM-PO-SS-IBLE articula Ryan. Mon compte est plein. La carte doit-être démagnétisée. Ou bien votre terminal ne fonctionne pas.

–       Non Monsieur. Le terminal de paiement indique que le paiement est refusé, je n’ai pas d’autre explication annonça le vendeur du magasin de la grande enseigne de prêt à porter.

–       Comment ça ? C’est sûrement un problème technique ! Votre machine est cassée ! Donnez-moi un téléphone ! Demanda Ryan au vendeur, aussi sûr de lui que de l’état de son compte en banque.

–       Eh bien… je ne sais pas trop…je vais chercher un responsable… Déclara le jeune vendeur qui n’était pas encore habitué aux clients mécontents.

Le responsable de la boutique sortit du fond de la réserve du magasin. Dans un rare élan de solidarité, trois vendeurs se rapprochèrent du comptoir au client mécontent. Ryan regarda l’arrière de sa carte noire. Il ne trouva pas de trace du numéro d’assistance habituel du service client. Le siège de cette banque était situé dans les îles Caïmans.

–       Votre machine est en panne ! Annonça Ryan, sûr de lui. Il avait dépensé des milliers de dollars depuis qu’il était petit et il n’avait jamais rencontré aucun problème financier ! Alors, un problème technique sur sa carte ? C’était tout simplement IM-PEN-SABLE !

Prévenu par radio, un vigile du centre commercial s’approchait lui aussi de la caisse du magasin de prêt à porter.

–       Monsieur, Je ne pense pas que notre terminal soit en panne. Il a fonctionné parfaitement toute la matinée. Ca m’étonnerait qu’il y ait un problème. De toute façon, nous allons bien voir avec le client suivant, annonça le responsable de la boutique.

Le client suivant présenta sa carte, signa le ticket de caisse et repartit avec son sac rempli de vêtements. Le parfum bon marché empestait l’intérieur de la boutique.

–       Vous voyez, c’est votre carte qui ne passe pas annonça calmement le responsable qui regardait désormais d’un air bizarre l’inscription « private » et « financial trust» sur le petit rectangle en plastique noir.

Le vigile se rapprochait dangereusement du comptoir. Ryan, qui n’avait jamais été humilié de la sorte sortit immédiatement de son portefeuille en cuir noir sa deuxième carte. Une banque classique, qui n’était pas située dans un paradis fiscal.

J’ai une autre carte, elle devrait fonctionner. Voilà, tenez, dit-il au vendeur. Il passa la petite carte dans le lecteur. Le ticket sortit de la machine. Ryan signa le petit bout de papier blanc imprimé.

–       Je suis confus Monsieur. Passez une bonne journée. Annonça le vendeur.

C’est ça ! Bonne journée ! Entre l’abri antiatomique, Fox et sa mémoire le hangar en Alaska, les malades de l’avion, et maintenant sa carte de crédit qui plantait ! Journée pourrie ! Songea t-il. Sur le parking du Mall, Ryan sortit son téléphone portable. Il composa sans trainer le numéro de H24 médical. Je vais sûrement avoir la blonde écervelée de l’accueil encore une fois, songea Ryan.

–       Secrétariat de H24 Medical, que puis-je faire pour vous ? Répondit la blonde de l’accueil au téléphone.

–       Bonjour, c’est Ryan. Ma carte de crédit ne fonctionne plus, je ne comprends pas. Pourrais-je parler au service comptable ?

–       Je vous le passe, annonça la voix de l’accueil d’un ton enjoué.

Quelques instants plus tard. Une voix familière décrocha le téléphone.

–       Bonjour Ryan. Je sais pourquoi vous m’appelez. Votre carte de crédit ne fonctionne pas, c’est bien cela, n’est-ce-pas ? Mon petit Ryan ? Répondit le vieux chauve à lunette, qui avait encore un temps d’avance.

–       Voilà… ma carte de crédit ne fonctionne … pas. Effectivement. Répondit Ryan. La vieille chouette est encore au courant de tout ! Je pensais avoir affaire au service comptable. Pensa t’il.

–       Oui. Vous devriez passer me voir au bureau. Demain matin mon petit Ryan. Nous réglerons le problème ensemble, voyez-vous.

Ryan raccrocha rapidement son téléphone. Régler le problème ensemble. C’est ça ! Je suis humilié en faisant mes courses et il veut qu’on règle le problème ensemble ? Mais il me prend pour qui ce vieux hibou, ça commence à bien faire ! Pensa Ryan, énervé. Il se rendit le lendemain matin au siège de H24 Médical. Il traversa le couloir sans prêter attention à la secrétaire de l’entrée et se dirigea vers l’ascenseur, presque en courant. Il appuya sur le bouton du dernier étage. Crezy va m’entendre ! Ruminait-il.

–       Bonjour, mon cher Ryan. Content de te revoir, comment vas-tu ? Annonça t-il d’un ton de voix très familier, comme à son habitude.

–       Eh bien… la carte de crédit que vous m’avez donné ne fonctionne plus. Pourtant, le compte est plein. Je ne comprends pas ce qu’il se passe, déclara Ryan.

–       Oui, effectivement, c’est problématique de ne plus pouvoir régler ses dépenses, Ryan. Nous avons eu quelques problèmes techniques avec les comptes ce week-end. Probablement un petit soucis technique. voilà tout.

En réalité, il omettait de préciser à Ryan qu’une enquête de l’IRS, le service du fisc américain était en train de mettre le nez dans les affaires de H24 médical depuis la fin du week-end. Les comptes des îles caïmans avaient été bloqués temporairement.

–       Voilà ta nouvelle carte, mon petit Ryan déclara t-il en tendant une enveloppe blanche.

Ryan ouvrit la lettre. La nouvelle carte était grise. « New World Bank » put lire le jeune pilote sur la tranche. Le nom inscrit dessus était le même nom que celui du Think Tank de Washington de 1960 cité par Bones dans l’abri antiatomique ! Il disait donc vrai ! Le vieux téléphone posé sur le bureau sonna. C’était l’accueil qui appelait Crezy.

–       Un colis est arrivé à l’accueil ! Déclara la blonde.

Crezy quitta le bureau et descendit à l’accueil, laissant Ryan assis devant le bureau. L’affiche de l’exposition universelle de Montréal de 1967 était toujours encadrée au mur. On distinguait parfaitement la biosphère et ses triangles. Ryan remarqua que le cadre de l’affiche était très étrange. Il aurait juré que l’affiche était légèrement décalée ! Le vieux est en bas, j’ai le temps d’aller voir, pensa Ryan. Il se leva et s’approcha du mur. Il remarqua alors une sorte d’épaisseur inhabituelle sur le côté gauche du cadre métallique. Il jeta un coup œil dans l’axe du mur du côté droit de l’affiche. Un vide semblait bel et bien présent sous le cadre. Etrange, pensa le pilote. L’ascenseur émit sont petit dong d’arrivée caractéristique. Le vieux revient ! Vite ! Ryan reprit sa place en vitesse sur la chaise devant le bureau, tout en faisant semblant de consulter un message sur son téléphone à écran tactile.

–       Mon petit Ryan ! Les nouvelles cartes de crédit de le société sont arrivées. Ils ont fait vite ! Tiens, voilà le colis pour Fox. Si tu peux passer lui déposer, déclara le vieux.

–       Merci. Je passerai lui déposer dès demain. Déclara Ryan.

Ryan sortit de l’immeuble de bureau. Vieille chouette, le cadre de ton affiche cache quelque chose, il va falloir que je revienne explorer ce bureau quand il n’y aura plus personne dans les parages ! Il trouvait décidément cette entreprise de plus en plus louche.

***

Cherry Creek, Colorado

Cherry Creek, Colorado

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12. Avis de vent frais

Dimanche 7 Octobre 2012. 11 : 00 AM.
Lake Shadow, Colorado, USA.

Le lendemain matin, le petit voilier espion avait disparu. Ryan et Fox préparaient tranquillement la chaloupe en acajou dans le hangar à bateau. Bones venait de consulter la météo sur le site internet de Weather Underground.

–       La météo indique du soleil ! Et du vent frais ! C’est parfait pour sortir sur le lac. Annonça Bones.

–       Tu as retrouvé les dames de nages sur les étagères ? Demanda Fox.

–       Non, toujours pas. On devrait peut-être descendre dans la cave ? Rigola Ryan.

–       Elles sont là ! Annonça Bones qui les avait rangées dans un sac en toile posé dans la petite chaloupe.

Ils vissèrent les dames de nage dans la coque du bateau puis transportèrent le lourd bateau jusqu’à un ponton en bois. Celui-ci était construit au ras de l’eau pour faciliter l’embarquement. Ils mirent l’annexe à l’eau puis Ryan introduisit les avirons dans les dames de nage. Elles étaient en cuivre, patinées par le temps. Les deux pelles en bois brillaient, recouvertes d’une impressionnante couche de vernis, elles étaient parfaitement entretenues. Bones pris la barre et Ryan s’installa avec les avirons. Quelques coups de pelles plus tard, la chaloupe s’approcha du mouillage. Au loin, Ryan aperçut le grand mât et la lourde baume en bois vernie. Il remarqua également la barre franche en bois du voilier. Le petit cockpit en bois dépassait légèrement de la silhouette élancée du petit dragon de 8 mètres 90. Le voilier était attaché à une petite bouée blanche et ronde. L’amarre rejoignait un taquet fixé sur la fine coque effilée en bois vernie. Bones attacha la chaloupe à la bouée. Ils grimpèrent tous les trois sur le pont en teck qui était en parfait état.

–       Allons chercher les voiles ! Elles sont dans le cockpit ! Annonça Bones.

Ils hissèrent les grandes voiles sur le mât. L’air frais de la montagne gonfla les lourds morceaux de toile. La grand voile et le foc portèrent l’élégant voilier à une vitesse de 5 nœuds sur le lac Shadow.

–       Ah tiens… mais qui voilà ! s’exclama Ryan qui avait emporté les jumelles sur le bateau.

–       Oh ! Quelles belles voiles en kevlar toutes noires ! Annonça Fox, qui venait de jeter un coup d’œil dans les oculaires.

–       Il semblerait qu’ils ont mouillé l’ancre pour le restant de la nuit juste derrière les îles au fond du lac. On va leur montrer ce que ce vieux voilier  de course a encore dans le ventre ! Annonça Bones.

L’effet thermique du soleil commençait à se faire sentir sur les masses d’air en haut de la montagne. Le vent frais se levait. Les deux bateaux filaient à pleine vitesse sur le lac en plein vent de travers. Malgré ses voiles modernes, le voilier à coque en résine aux voiles noires ne parvenait pas à rattraper le vieux dragon en bois construit en 1930 !

–       Ah ah. Ils ne pourront pas nous rattraper ! S’ecria Ryan.

–       Oui, bordons un peu plus les voiles ! Annonça Bones.

L’ancien voilier de course filait désormais presque 12 nœuds. La fine proue fendait l’eau du lac. En moins d’une heure, ils arrivèrent devant le pont qui séparait Grand Lake du lac Shadow.

–       Nous ne pouvons pas passer ici, le pont est trop bas. Mouillons l’ancre ! Annonça Bones.

Ils jetèrent l’ancre juste devant l’entrée de Grand Lake puis commencèrent à pique-niquer sur le bateau. Au loin, les voiles noires se rapprochaient.  Ils distinguèrent plus précisément les deux hommes repérés la veille. L’un d’eux semblait avoir une balafre sur le visage. Il tenait la barre tout en fumant une cigarette. Le deuxième homme était avec ses jumelles. Il visait le dragon. Le bateau vira de bord et repartit dans le sens opposé, vers le fond du lac Shadow.

–       Les voilà parti. Nous voilà enfin tranquille pour déjeuner. Annonça Bones.

–       Pas sûr, prédit Ryan, qui avait repéré un gros pick-up Ford F-450 Brun Kodiak aux vitres fumées qui roulait lentement au niveau des arches du pont, juste à côté d’eux.

–       Tiens donc. Ils prennent le lac en photo en plan très serré, on dirait ! Annonça Fox qui était avec les jumelles en train d’observer le petit manège à l’intérieur du camion.

–       Sûrement des touristes qui trouvent que notre bateau est joli ? C’est une pièce de musée après tout. Tu es parano ! Blagua Fox.

–       C’est ça ! Avec un zoom dans un pickup aux vitres fumées ! Tu as raison ! De sacrés touristes ! Répliqua Ryan.

–       Continuons à manger comme si nous n’avions rien vu, annonça Bones.

***

Dragon

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11. Spider Web

Dimanche 7 Octobre 2012. 4 heures du matin.
Lake Shadow, Colorado, USA. Dans l’abri antiatomique de la maison de Bones.

–       Au fait ! Je repense à un papier posé sur le bureau de Crezy. Annonça Ryan.

–       Oui, tu as une trouvé une idée miraculeuse pour nous sortir de ce pétrin ? Annonça Fox.

–       Non, mais sur son bureau…

–       Sur son bureau, quoi encore ? Tu as vu un prototype de crâne de cristal c’est ça ? Une araignée géante avec des yeux rouges et des petites puces radio qui te regardait ? Avec un petit satellite au dessus ? Rigola Fox.

–       Tu es vraiment stupide, tu le sais ? Répliqua Ryan.

–       Alors, sur le bureau, qu’y avait t-il ? Demanda Fox.

–       303. Répondit Ryan.

–       303 ? Et donc ? Tu as vu la sainte vierge ? Ca y est ? Taquina Fox.

–       303 Committee, le comité secret qui décidait de tout, quasiment au dessus du président des Etats-Unis dans les années soixante. Ca confirme ce que je vous disais. Annonça Bones.

–       Pourquoi 303 ? C’est de la radio ? 303 Mégahertz ? C’est la fréquence des implants de l’époque ? Demanda Ryan, intelligemment.

–       C’est fort possible. Répondit Bones.

–       Ah, c’est pour ça que les ambassades sont blindées, alors ? Demanda Ryan.

–       Mais non, c’est pour économiser le chauffage. C’est le développement durable ! Il faut sauver les pandas en Alaska ! Tenta Fox pour détendre l’atmosphère qui devenait pesante…

–       Très drôle, ta blague pourrie. Ils nous ont opéré sans qu’on ne le sache, foutu un putain d’implant, et en plus ces salauds nous effacent la mémoire. C’est une démocratie, ce putain de pays ou quoi ? S’exclama Ryan.

–       C’est clair ! Je n’ai pas signé pour H24 Arnaques Médicales ! Déclara Fox.

–       Je sais, je sais. Il va falloir s’organiser. Pour le moment…tentons déjà d’en savoir plus, en particulier sur les malades que vous transportez. Voilà ce que nous allons faire…  répondit Bones, d’un air soucieux que Ryan n’avait jamais vu sur son visage auparavant.

***

–       Est-ce que vous vous rappelez d’autre chose, un détail, dans vos rêves ? Questionna Bones.

–       Oui, de la neige. Un hangar. Et puis… J’ai bu quelque chose ! Je me rappelle. S’exclama Fox.

–       Quelque chose à boire… Voilà un point intéressant. Vous avez un ambulancier avec vous à bord de l’avion ? Questionna Bones.

–       Oui. Il s’occupe du malade à l’arrière. Détailla Ryan.

***

–       Et vous n’avez rien remarqué de spécial chez lui ? Demanda Bones.

–       Non. A part nous servir des boissons. On ne discute pas vraiment avec lui, déclara Fox, qui venait de se rendre compte de ce qu’il racontait.

–       Les boissons ? S’exclama Ryan !

–       Merde ! Les boissons ! Si ça se trouve, ce type nous drogue avec des boissons ! dit Fox. Qui venait de comprendre.

–       C’est bien ce que je pensais annonça Bones. Voilà le plan. Nous allons remonter à l’extérieur et passer notre week-end comme si nous n’étions jamais descendu ici. Et pour ma part, je vais tenter d’en savoir plus sur votre directeur, Crezy. Si c’est bien ce que je pense, il travaillait dans un think tank très influent dans les années soixante à Washington. Il avait un programme intitulé  « Program For a New Century » Je crois bien qu’il avait été obliger d’arrêter son activité suite à une enquête du congrès. Mais il se pourrait bien qu’il ait continué son petit trafic sous une autre identité après, annonça Bones.

***

Fox, Ryan et Bones remontèrent le grand escalier en béton, puis, Bones activa de nouveau le petit interrupteur dissimulé dans la cave. Le mécanisme de poulie et de contrepoids fit basculer le casier à bouteilles. L’entrée de l’abri était redevenue parfaitement invisible. Une cave à vin tout à fait normale ! C’est vraiment bien conçu. Pensa Ryan.

***

Ils revinrent sur la terrasse. Bones fit monter Ryan au grenier.

–       Prends les jumelles et regarde, chuchota Bones.

–       Oh. Merde ! Ils sont toujours là ! Constata le pilote de l’Air Force au sweat à capuche bleu.

Le petit voilier aux voiles noires, un mélange de kevlar et carbone avait jeté l’ancre. A l’intérieur, une lumière éclairait les couchettes à l’avant du bateau.

–       Ils passent probablement leur week-end ici… quel heureux hasard ! Déclara Ryan.

–       Exactement, une simple coïncidence ! Déclara Bones.

***

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10. Le joyeux carnaval des animaux de la ferme

Lake Shadow, Colorado, USA.

Dimanche 7 Octobre 2012.

3 heures du matin.

Dans l’abri antiatomique de la maison de Bones.

–       Alors, explique-nous pourquoi tu nous as fait venir ici. Tu crains une attaque nucléaire ? C’est la troisième guerre mondiale ? Questionna le pilote.

–       Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais, à l’extérieur, sur le lac, il y avait un petit voilier.

–       Oui ? Celui avec les voiles en kevlar-carbone, toutes noires? Annonça Ryan.

–       Exactement, répondit Bones.

–       Et bien ? Questionna Fox.

–       Je suis allé chercher mes jumelles pour vérifier ce qu’il se passait. J’ai remarqué que sur le bateau, juste en face de nous, on nous surveillait. L’un deux était même avec un immense téléobjectif, au moins 1200 mm de focale, en train de nous prendre en photo, annonça Bones.

–       Mais vu la lumière ? De nuit ? Ils ne pouvaient pas nous voir ? Demanda Ryan.

–       Sauf s’ils ont un dispositif de vision nocturne, intercalé entre la visée reflex et l’objectif… déclara Fox, qui visiblement s’y connaissait en systèmes optiques.

–       Comment tu sais ça toi ? Tu bosses avec ces types ? Demanda Ryan.

–       J’ai voulu acheter un camescope à visée nightshot la semaine dernière ! Du coup je me suis renseigné…! Annonça Fox.

–       Si quelqu’un à envoyé des types pour nous surveiller jusqu’ici, cela signifie que quelque chose de très grave se passe dans votre société de transport médical. Votre Crezy avait des informations qu’il ne pouvait pas avoir sans accès à la NSA. Et je me souviens avoir appris par mon père qui travaillait à Washington, qu’il y avait déjà eu des affaires similaires. Dans les années soixante, un comité presque clandestin effectuait des opérations sans en informer la maison blanche et la CIA. Tout passait par l’intermédiaire du 303 et du NSC.

–       Le NSC27 ? Demanda Ryan.

–       Le Conseil pour la Sécurité Nationale, il se plaçait au dessus de tout contrôle démocratique. Il était même au dessus de la CIA. Et les membres de ce comité manipulaient bien qui ils voulaient. Annonça Bones.

–       Et ils opéraient déjà sous couverture de sociétés médicales28 ? Demanda Fox.

–       Exactement, répondit Bones.

–       Mais comment est-ce possible ? demanda Ryan.

–       Il avait l’air louche, le vieux. Je te l’avais bien dit ! Annonça Fox.

–       Les malades que vous transportez. En quel état sont-ils ? Sont-ils conscients ? Demanda Bones.

–       On ne les voit pas franchement… dit Ryan.

–       Oui, c’est l’ambulancier qui s’en occupe. Annonça Fox.

–       Vos flashs rouges, le coup de chaleur…et l’odeur… C’est typique de l’effacement de mémoire. Ils vous ont drogué. Probablement hypnotisés et conditionnés. Ils ont peut-être même pratiqué les électrochocs sans que vous ne vous en rappeliez. Les types qui savent faire ça ne courent pas les rues.

–       De l’hypnose, s’exclama Ryan !

–       Oui. Les rêves que vous avez eu ne sont pas des rêves ce sont probablement vos souvenirs effacés qui vous reviennent en mémoire, annonça Bones.

–       Ah ! Je n’avais pas vu ça dans mes cours à l’Air Force, annonça le grand pilote, inquiet.

– Cet abri a été conçu pour faire cage de Faraday, expliqua Bones. Les signaux radio, le téléphone portable, par exemple, ne peuvent pas passer ici. Nous sommes dans ce qui s’appelle une cage de faraday. Nous pouvons parler librement ici.

– Une cage de Faraday, répéta Ryan, l’air songeur.

– Le principal problème est qu’ils vous ont aussi probablement équipés d’une puce… Annonça Bones.

–       D’une puce ? Nous ? Mais il ne manquerait plus que ça ?! On n’est pas des chiens ? S’exclama notre pilote.

– Des chiens… justement, parlons-en. Les premières expériences allemandes datent de 1920. On a alors découvert que le cerveau émettait un signal électrique. On a réussi à l’enregistrer grâce à l’électro encéphalogramme (EEG28). Pendant le sommeil, l’activité électrique se divise en plusieurs phase. A un moment donné, on obtient un pic qui s’appelle le complexe K. Comme le sommet de l’Himalaya. Le conditionnement et la création de l’état de conscience modifié s’effectuent à ce moment précis. soviétiques portaient sur le chien de Pavlov. Ils se sont aperçus qu’ils pouvaient conditionner des chiens ou des gens avec des réflexes préprogrammés. Pour le chien de Pavlov, ils faisaient saliver un chien avec de la viande. Ils recommençaient la même expérience en présentant la viande avec un stimulus sonore. Ils supprimaient ensuite la viande et ne gardaient que le  stimulus sonore. Le chien salivait sans viande. Uniquement avec le stimulus sonore. En continuant leurs recherches, ils se sont aperçut qu’ils pouvaient implanter des petites radios et effectuer le même type de contrôle, mais à distance – via la radio. Ils ont appelé ça les « souris d’aciers » en URSS. Aux USA on parlait de Tinkertoys. La république populaire de chine a aussi travaillé sur le même procédé. Ils ont réussi à conditionner les gens pendant la nuit, à partir du complexe K29. Leur idée a été d’avoir un implant radio dans le crâne qui informerait en temps réel de l’activité électrique du cerveau. En particulier au moment de la formation du complexe K.

– Ah alors ! Will Smith dans Men in Black ! L’agent K ! Je comprends enfin ! S’exclama Fox.

– Tout d’abord, vous devez savoir que l’on est capable de mettre les individus dans un état de conscience modifié grâce à l’hypnose29,30,31,32. Leur objectif était, et est toujours, d’effacer la mémoire après avoir fait travailler ceux qu’ils appellaient « energy slaves33,34,35 ». Après la mission, on efface la mémoire. Il existe plusieurs techniques. La solution trouvée par Wiener, était de pratiquer soit la lobotomie, avec quelques ratés … et quelques morts… Soit la méthode « douce ». Cette technique à un défaut. La mémoire revient sous forme de rêves dans le sommeil profond.35

– Ah mais c’est Dreamland cette affaire ! Et la méthode,  « douce », par opposition à la lobotomie, elle consiste en quoi ? Questionna Ryan.

– Des électrochocs combiné à de l’insuline et du métrazol35. Cela n’était et n’est pas pratiqué pour soigner qui que ce soit ! Dès l’origine, ils font de l’expérimentation humaine dans l’objectif d’effacer la mémoire pour les opérations dans les camps souterrains. Et rien d’autre… D’où l’intérêt d’avoir de faux malades dans des hôpitaux psychiatriques à disposition !

– Et comment font-ils travailler sous hypnose ? Questionna Ryan.

– Ils travaillent à des implants cochléaires, et, cela peut paraître incroyable, mais c’est déjà le cas dès 1948 voire même avant ! Les implants radio des années cinquante et soixante ressemblaient plus à de la boucherie qu’à autre chose36,37,38,39,40,41

– Et les soviétiques dans tout ça ? J’imagine qu’ils font pareil ? Questionna Fox.

– C’est exact ! Les soviétiques travaillent exactement sur le même sujet, en particulier Kolmogoroff, en URSS, sous Staline et Beria.42, 43, 44.

– Et maintenant ? On en est rendu où ?

– Aujourd’hui, c’est plus… discret.45, 46 Ils en sont rendus à imaginer des implants biodégradables à distance, que l’on pourrait détruire pour éviter que l’on trouve les implants dans le crâne…ce n’est pas encore parfaitement au point.Pour enlever leurs saloperies dans le crâne, il faut encore un peu de boucherie. Euh, pardon, de chirurgie.

– Mais comment se fait-il qu’on ne soit pas au courant ? 1948 ! C’est très ancien ! Questionna Ryan.

– Tout est crypté. Par exemple, Shannon, qui est spécialiste du codage pour les services secrets décide d’utiliser le nom de code « Cybernétique » avec Wiener dès 1940, car personne ne sait ce que cela signifie47. C’est plus pratique pour discuter boucherie, enfin… cuisine et maison de la radio, entre spécialistes !

– Ils sont cinglés ! S’exclama Ryan.

– Ils ne vont quand même pas annoncer : « nous avons opéré des cobayes par milliers aux Etats-Unis et en Russie,  pratiqué le conditionnement, le travail sous hypnose et nous avons effacé la mémoire après sous prétexte de recherches fictives sur l’espace dans des hôpitaux psychiatriques depuis les années trente ! »

– Effectivement… vu comme ça ! S’écria Ryan.

– Le pire, c’est qu’ils mentent toujours comme des arracheurs de dent au congrès et à la chambre des représentants. Leurs programmes ne se sont JAMAIS réellement arrêtés, Annonça Bones. Zbigniew Brezinski, qui a été longtemps conseiller à la sécurité nationale, auprès de plusieurs présidents américains, et maintenant conseiller du président Barack Obama, parle lui de la Technotronic Era41. Il s’inquiète déjà du contrôle de la population et de la mise en place à grande échelle de ces techniques dans les années soixante !

– Les années soixantes ? Mais, comment se fait il que ce débat ne soit pas dans les livres d’Histoire ! Des milliers de personnes opérées et des implants ! On serait au courant de ce qu’ont fait les cinglés ?! S’interrogeait Ryan.

– Il faudra du temps, mais ça viendra. Et disons que les techniques sont bien au point désormais. C’est presque invisible. La psychiatrie permet de faire tourner le système. C’est en partie une couverture. Tout a été conçu pour cloisonner le système, de manière à le rendre illisible, sauf pour les initiés, déclara Bones.

–      Mais alors, que transporte t’on dans nos learjet médicalisés ? De la cocaïne ? Des armes ? Questionna Fox.

–       Vous déraillez tous les deux ! On transporte des malades. Voilà tout. Répondit Ryan qui ne voulait pas y croire.

–       On pourrait prévenir la police ou les fédéraux ? Proposa Fox.

–       Non. La police et les fédéraux sont totalement incompétents pour ce genre d’affaires. Ils croient encore que l’adresse IP correspond à une localisation géographique précise et qu’un numéro de téléphone peut être localisé correctement … C’est vous dire leur retard. Ils ne connaissent rien à la radio, à ces techniques d’effacement de mémoire sous hypnose et aux électrochocs. Les gaz anesthésiants, c’est pareil. Ils croient même que leurs ordinateurs sont protégés et que leur montre leur donne l’heure… C’est terrible, mais ils sont tellement en retard que ces types font ce qu’ils veulent avec eux depuis les années soixante.  On les laisse volontairement dans l’ignorance. Eux et le système judiciaire au grand complet. Annonça Bones, l’air dépité.

– Ils ne connaissent rien à la radio ? Répéta Ryan

– La modification des pensées à distance via le spectre radio s’appelle la musique, ou le Noise49,50 en langage codé, continua Bones.

– Ah bon, mais c’est de mieux en mieux ! De la musique ! Je n’avais pas appris ça pendant ma formation. S’exclama Ryan.

– Il y a même des programmes de reprogrammation mentale assez élaborés. Un scientifique de l’université Rockefeller, le docteur Adam Reed, engagé par le ministère de la défense des Etats-Unis avait déjà annoncé en 1976, qu’un petit appareil implanté dans le crâne permettrait d’encoder les ondes du cerveau. Il permettrait la gestion des souvenirs et des pensées à distance via une immense banque de donnée. Des opérateurs géreraient le système en arrière-plan. Il annonçait cela en 1976.

– Mais enfin ? La Cour-Suprême ? La Constitution ? La loi interdit ces expérimentations sur l’homme ! Et les cancers liés aux implants et à la radio ? Les micro-ondes dans le crane ?! Tout ceci à une si grande échelle ! C’est de la folie pure51 !?! S’exclama Ryan.

Un long silence emplit alors le sombre abri antiatomique. Un courant d’air glacé traversa la pièce. Bones ne répondit pas.

Notes :

27. National Security Council
http://en.wikipedia.org/wiki/United_States_National_Security_Council

28. EEG – Hans Berger
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16334737

29. Skinner,  B. F. (1938). The behaviour of organisms, Appleton-Century Co., New-York.
http://s-f-walker.org.uk/pubsebooks/pdfs/The%20Behavior%20of%20Organisms%20-%20BF%20Skinner.pdf

30. Hospital Design (Oct. 10, 1964).The British Medical Journal, Vol. 2, No. 5414

31. Karmen Franinovic, Stefania Serafin (2013). Sonic Interaction Design, MIT Press, Cambridge, Massachusetts.

32.  Walter H. Bowart, (1978). Operation Mind Control, Grasset.

33. « I developed what I called an « energy slave » or the energy equivalent of the work a healthy human youth could do. »
R. Buckminster Fuller, Summary adress at vision 65.

33. The energy slaves were operating throughout the local industry network economy. »
R. Buckminster Fuller (1969). Utopia or Oblivion, Bantam Books.

34. « The ratio of the cost of human/energy animal energy/electrical energy is 480/30/1. This statement, of course, applies to physical energy. It is interesting to note, too, the equivalent electrical energy needed to perform a mental task. When a man sorts a random pack of cards and places them in a particular order, the energy expenditure in his brain has been estimated at about 6.4×10^-19 watt seconds.  (…)
All aspects of the coming changes should be discussed, and studies made to minimize the upset to individuals. Management alone determines the number that it can employ. These discussions should be strictly confidential, and must not be divulged outside the company. Such secrecy is often necessary to prevent any news of the impending technical changes from coming to the ears or competitors at home or abroad. »

L. Landon Goodman (1957). Man and automation, A Pelican Book, Penguin Books.

35.  Norbert Wiener (1965). Cybernetics or Control and Communication in the Animal and the Machine, MIT Press.

36. « In speaking of reforming the environnment of man, I include a surgeon’s operation on the human body for the latter is mobile environment of the brain »

R. Buckminster Fuller (1966), Utopia or Oblivion, Design Strategy, Reform the environnment, pp.322 Bantam Books.

37.Black, R.D., (1957). Ear-Insert microphone. J. Acoust. Soc. Am. 29, 260-264.

38. «A six heures trois, la petite porte s’ouvrit pour laisser passer la petite silhouette maigre et nue de Tingaling Bell. Il avait un visage de fouine et tous ses os pointaient sous la peau. Il s’avança d’un air conquérant jusqu’au milieu de la salle.
-Salut, Tingaling ! dit l’homme à l’oreille en choux-fleur. Paraît que t’as eu un pépin aujourd’hui. Pas de veine.

–        Ces commissaires c’est  des ordures moi je vous le dit ! Grogna Tingaling. Pourquoi je serais allé faire une crasse à Tommy Lucky, je vous demande un peu ? C’est mon meilleur copain. J’en avais même pas besoin. J’avais la course dans le fauteuil. Hé dis donc, mal blanchi ! cria t’il en faisant un croc en jambe au Noir qui passait en portant un seau de boue, faut que tu me fasses tomber deux cent grammes. Je viens de me taper des frites. Et par-dessus le marché, on m’a collé un handicap dans l’Oakridge de demain » (…)

–        « Hé le boxeur, lança t’il à l’adresse de l’homme à l’oreille en choux fleur, Mabel dit qu’elle n’arrive pas à commander ton casse-croûte. Le téléphone est détraqué ou la ligne a sauté, je ne sais pas ce qu’elle raconte.

–        Ah merde ! T’as qu’a leur dire à Jack qu’il me l’apporte à son prochain voyage.

–        D’accord. »

La porte se referma. Un téléphone qui ne marche pas est chose rare en Amérique et ce petit fait aurait du mettre la puce à l’oreille de Bond. »
Fleming, Ian (1955). James Bond, Les diamants sont éternels pp. 121, Plon.

39. Bell, D.A. (1953).Information Theory and its Engineering applications, Sir Isaac Pittman & Sons, London.

40. « C’était le bordel, un affreux bordel, répliqua Bond. Tout le monde demandait à grands cris à sortir de sa boîte et le type à l’oreille en choux-fleur braquait sa lance d’arrosage sur la figure de Tingaling pour ôter la boue en appelant à l’aide ses copains de la pièce d’à côté. Le noir gémissait par terre ; les gars à poil sortaient des douches et couraient en rond comme des poulets à qui on a coupé la tête. Les deux joueurs de cartes se sont précipités ; ils ont enlevé le couvercle de Tingaling, l’ont démailloté et porté sous la douche. Je crois que c’était moins une. Il était moitié asphyxié et sa figure n’était plus qu’une cloque. Et puis, l’un des types à poil a repris ses esprits et s’est activé pour ôter le couvercle et dégager tout le monde. (…) Enfin, tout s’est calmé peu à peu. Un des garçons de salle est parti chercher l’ambulance en ville. Quelqu’un à versé de l’eau fraîche sur le Noir qui a repris connaissance tout doucement. »
Ian Fleming, (1955). James Bond, Les diamants sont éternels, pp.127-128, Plon.

41. Voir conférences Macy’s, New-York.
http://en.wikipedia.org/wiki/Macy_conferences

42. Yablondkiy, S.V. (March 1960). Basis Concept of Cybernetics, USSR, US Joint Publication Research Service, New York.
http://oai.dtic.mil/oai/oai?verb=getRecord&metadataPrefix=html&identifier=ADA354472

43. Foreign Broadcast Information Service, (1986). USSR Report, Cybernetics, Computers and Automation technology, Joint Publication Research Services, Arlington, Virginia.
http://www.dtic.mil/dtic/tr/fulltext/u2/a346723.pdf

44. Alexandre Soljéntstine, (1973). L’archipel du Goulag. Seuil.

45. Daryl R. Kipke, Advanced Neural Implants and Control
Associate Professor Department of Bioengineering Arizona State University Tempe, AZ.
http://www.earthpulse.com/epulseuploads/articles/Implants.pdf

46. Thomas Hermann and Gerold Baier (2013),  Sonification of the Human EEG, Sonic Interaction Design, MIT Press.

47. « Use the word `cybernetics’, Norbert, because nobody knows what it means. This will always put you at an advantage in arguments. »
Widely quoted; attributed to Claude Shannon in a letter to Norbert Wiener in the 1940’s.
http://www.asc-cybernetics.org/foundations/definitions.htm

48. « The technotronic era involves the gradual appearance of a more controlled society. Such a society would be dominated by an elite, unrestrained by traditional values. Soon it will be possible to assert almost continuous surveillance over every citizen and maintain up-to-date complete files containing even the most personal information about the citizen. These files will be subject to instantaneous retrieval by the authorities »

Zbigniew Brezinski, Between Two Ages: America’s Role in the Technetronic Era,
http://showothers.com/uploads/Zbigniew_Brzezinski__Between_Two_Ages.pdf

49.  R.S. Bucy, (1966). Optimal filtering for correlated noise, United States Air Force Project Rand.
http://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/research_memoranda/2009/RM5107.pdf

50. Colin Cherry, (1966). On human communication, MIT Press, Cambridge.

51. Air Force 2025 (1996). Cyber Vision Situation, Implanted Microscopic Chips.

http://www.fas.org/spp/military/docops/usaf/2025/v3c2/v3c2-4.htm#v3c2-4

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9. L’abri

Ils refermèrent la lourde porte constituée de plusieurs couches de métal épais. Ryan distingua d’abord le long couloir central en béton. A droite et à gauche du long tunnel, il vit plusieurs pièces. L’exploration commença. Deux pièces contenaient de petits lits superposés à cadre métallique. La décoration était réduite à son minimum. Les matelas étaient entièrement moisis à cause de l’humidité. La lampe tempête à huile promena son halo sur de vieux meubles poussiéreux. Ryan remarqua un petit poste de radio à transistor posé sur une table en bois à roulette. Un fil d’antenne courait jusqu’au plafond. Il sortait probablement jusqu’à l’extérieur de l’abri. A côté du poste était disposé une étagère métallique. Sur l’étagère d’acier se trouvait une boite en carton contenant des batteries, une trousse de secours, des assiettes, des tasses et un couteau suisse à croix rouge. Ryan prit la boite en carton. Il tenta de dégager les batteries du papier.

–       Merde ! Ça coule partout ! S’exclama Ryan.

–       C’est de l’acide. Fait gaffe. Conseilla Fox.

Ryan éclaira l’étagère avec la lampe tempête. Des traces vertes avaient coulé jusque sur le sol en béton.

– Regarde ! On dirait une cuisine ! Annonça Ryan, qui continuait la visite.

Dans une des pièces,  un vieil évier en acier inoxydable était installé à côté du mur. Au centre de la pièce, on trouvait une table, six chaises et un grand meuble de cuisine en formica.

–       Ah, j’avais faim. Nous n’avons pas encore pris le dessert ! Rigola Ryan en ouvrant la porte du placard.

–       Des vieilles boites de conserve. De la soupe à la tomate ! Délicieux ! Tu en veux ? Annonça Fox.

–       Bonne idée ! Et, juste au cas ou. Regarde la date de péremption ?

–       Avril 1967, lu le copilote.

–       Les rations auraient du être renouvelées… mais personne ne s’en ait vraiment occupé… Nous sommes dans un abri antiatomique construit par mon père, juste après la crise des missiles de cuba, en 1962. A cette époque, de nombreuses maisons ont été équipées d’un abri atomique personnel aux Etats-Unis. La version construite ici est un modèle amélioré. Il a été terminé en 1965. Il est plutôt particulier en raison de sa grande taille et de son système de ventilation perfectionné, précisa Bones.

Sur la table, Ryan trouva des crayons de bois, un vieux cahier, des jeux et un mystérieux petit livret bleu. Sur la couverture, était dessiné un triangle. Au centre était inscrit en lettre capitale. CD. Défense Civile. Il commença à lire ce qui était indiqué à l’intérieur du carnet. En lettre blanche et rouge sur fond bleu était écrit en gros caractères « En cas d’attaque ! Ecoutez le 640 et le 1240 AM». Le petit document était complété d’une page avec un triangle blanc sur un rond bleu ou était inscrit : CONELRAD – Federal Civil Defense Administration26.

–       640 ou 1240 ? A quoi correspondent ces fréquences ? Questionna Fox.

–       Ce n’est pas de la modulation de fréquence, apparemment ! Sûrement des grandes ondes. On utilisait ça autrefois. Ces fréquences portent plus loin que la FM. Mais sans les batteries, je ne vois pas trop à quoi ça va nous servir ! Répondit Ryan.

–       Ah, ils n’avaient pas encore les radios satellite et Internet ! C’est vrai ! Tiens, il y a également une prise électrique pour brancher cette radio. Constata Fox.

Ryan pose la lampe sur le sol de l’abri. Sous un vieux plancher métallique rouillé qui avait du être peint en vert kaki, il découvrit des bidons et des vieilles bouteilles d’oxygène.

–       Ouvre un peu ce bidon pour voir ? Proposa Fox.

–       C’est tout vert, on dirait des algues, constata Ryan qui regardait le haut du réservoir d’eau croupie.

–       Qu’est-ce que c’est que ça ? Demanda Fox, qui regardait désormais les gros tuyaux qui parcouraient le sommet de l’abri.

–       L’air de l’extérieur est filtré. Il arrive par ce gros tuyau à l’intérieur de l’abri. Normalement, un ventilateur est chargé de nous apporter de l’air frais. Les réserves d’oxygènes permettent aussi à l’abri d’être autonome quelques jours en cas d’attaque chimique ou bactériologique, annonça Bones.

Ryan continua sa visite. Dans la pièce d’à côté, plus petite, un moteur était posé sur un socle en béton. Un gros tuyau reliait la sortie d’échappement du moteur à un tuyau d’évacuation de grand diamètre qui remontait vers la surface. Une cuve à fuel en bon état était installée le long du mur en béton. Ryan tapota la cuve.

–       Elle est pleine de carburant ! Déclara t-il.

–       Et ça qu’est-ce que c’est ? Questionna Fox.

–       C’est le groupe électrogène. Sans lui, la ventilation ne fonctionne pas. Comme les bouteilles d’oxygène sont vides, nous allons devoir le remettre en service. Vous vous y connaissez en mécanique ? Demanda Bones.

– J’avais une vieille Mustang Fastback qu’il m’arrivait de bricoler le week-end, je veux bien tenter quelque chose, répondit Fox.

– Oui, il dépense tout son salaire en automobile ! Il a même changé les jantes de son 4X4 par des 18 pouces pour des 21. Comme si ça servait à quelque chose ! Espèce de vieux dealer ! Je suis persuadé que tu as fait partie d’un gang ! Blagua Ryan.

– Mais tu as fini ta crise d’adolescence pré-pubère ? Tu veux que je répare le groupe électrogène ou tu préfères mourir au fond d’un abri sans oxygène ! Déclara Fox.

– Toujours le mot pour rire, annonça Ryan.

Fox jeta un coup d’œil au vieux moteur rouillé, puis, il tripatouilla quelques fils. Enfin, il annonça le diagnostic :

–       Je ne vois pas comment faire, annonça notre bricoleur du dimanche.

–       Fantastique. Monsieur n’a pas trouvé LA solution miracle. Alors MacGyver ? Rigola Ryan.

Le grand gaillard venait de remarquer une sorte de vélo sans roues, juste à côté du générateur.

– Nous pourrions peut-être relier cette machine au générateur ? Proposa t-il.

–       Ah. Il t’arrive quand même d’avoir de bonnes idées. Voyons-voir ce vélo. Annonça Fox, qui, à l’aide de la lampe tempête commençait déjà à examiner la drôle de machine installée à coté du groupe électrogène.

–       C’est un vélo. Il possède une sorte de grosse dynamo qui permet de recharger la batterie. Le moteur redémarre ensuite. Déclara Bones.

Quelques instants plus tard, Fox, installé sur le vélo, pédalait. La batterie, se rechargea suffisamment pour démarrer le moteur. Il toussota comme s’il était pris de hoquet, puis, vibrant de tout son long sur ses supports en caoutchouc, le vieux six cylindres atteignit péniblement son régime de croisière. Dans chacune des petites pièces, les ampoules s’allumèrent de nouveau ! Le chuintement de la ventilation se fit entendre. La radio reliée à la prise électrique crachouilla. L’abri était de nouveau fonctionnel !

–       Je pense que c’est bon. Le groupe électrogène va recharger les batteries. Il devrait nous fournir suffisamment d’énergie pour que la ventilation nous apporte de l’air frais. Je vais vous expliquer pourquoi je vous ai fait venir ici. Annonça Bones.

***

Notes :

26. http://www.conelrad.com/media/atomicmusic/ebs_lp68.html

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8. Les meilleures bouteilles sont à la cave

Nuit du Samedi 6 Octobre 2012 au Dimanche 7 Octobre 2012.
Lake Shadow, Colorado, USA.

Bones invita Ryan et Fox à le suivre d’un discret signe de tête.

–       Suivez-moi et laissez vos téléphones dans le salon. Déclara t-il d’un ton qui ne laissait pas de doute sur la gravité de la situation.

–       Mais ? Que se passe t-il ? S’exclama Ryan, interloqué.

–       Nous n’avons pas une minute à perdre. Annonça Bones.

Je ne l’ai jamais vu réagir de cette façon, pensa notre jeune pilote qui connaissait pourtant Bones depuis sa naissance.

Les trois gaillards empruntèrent l’escalier central de la maison. Bones referma la solide porte en bois sculptée de la vieille demeure. Il traversa la pelouse parfaitement tondue qui menait à une petite maison accolée au lac. Les deux pilotes arrivèrent à l’intérieur d’un vieux hangar en bois. Ryan aperçut  une grosse chaloupe en bois vernie posée sur des rondins de bois au milieu de la pièce. Un vieux mât en bois vernis était attaché sous les poutres de la charpente. Posé sur le sol, de vieilles voiles en coton étaient roulées à côté de la chaloupe en bois. Des aussières lovées en rond étaient rangées sur le sol. Au sommet du hangar, sous les poutres, il vit une vieille lampe tempête à moitié rouillée. Ryan regarda les étagères. Des tonnes de vieilleries débordaient des étagères dans de petites caisses en bois clair.  Le sol était en grosses planches de bois clair non poncées. Un atelier, qui devait servir à travailler le bois était installé le long du mur. Sur le sol, Ryan aperçut une trappe rectangulaire. Bones s’en approcha. Il tira la petite corde tressée terminée par un nœud en huit. La lourde trappe se souleva. De nombreux copeaux de bois volèrent sur le sol.

–       Tu nous fais visiter ta cave à vin ? Questionna Ryan.

–       Pas un bruit. Chuchota Bones, comme s’il entrait dans une cathédrale.

Une petite échelle métallique descendait dans le trou noir formé par l’ouverture de la trappe. Creusée dans la roche, la cave était située à trois mètres de profondeur sous la grande maison familiale. Bones tenta d’allumer la torche électrique posée en bas de l’échelle.

–       Génial. Les piles sont mortes ! Je ne mets quasiment jamais les pieds ici. Cette torche doit bien avoir une dizaine d’années et l’humidité a dû l’abimer. Quelqu’un aurait-il emporté les allumettes du barbecue ?

–       Oui, elles sont dans ma poche. Il nous en reste une dizaine. Annonça Ryan.

Le mince filet de lumière créé par l’allumette éclaira le plafond. La voûte de la cave était en pierre. La cave avait été entièrement taillée dans le roc. Des casiers à bouteille métalliques étaient disposés tout du long. Recouverts de poussières, les grands crus dataient pour la plupart du milieu des années cinquante, l’époque ou le père de Bones avait patiemment collectionné de bonnes bouteilles, françaises pour la plupart.

–       On ne voit plus rien ! Annonça Ryan, constatant que la flamme de la petite allumette s’était éteinte.

Ryan craqua une deuxième allumette. La faible lueur se promena comme un halo ondulant sur les pierres de la cave. La main de Bones semblait palper le mur. Dans un interstice dissimulé à côté d’une bouteille – un château Petrus 1947- il actionna un levier métallique. Un bruit sourd, puis, un courant d’air glacial les saisit tous les trois.

Un des pans de mur de la cave était en train de basculer ! Les bouteilles semblaient collées au métal du casier disparurent dans le noir. Ryan remarqua un astucieux mécanisme de contrepoids composé de plusieurs poulies et d’un poids en plomb. La machinerie était dissimulée dans l’ombre de la grande cavité. L’allumette s’éteignit. Notre pilote craqua une nouvelle allumette. Devant eux semblait se dessiner un grand escalier en béton, froid et lugubre, presque sans fond. Au loin, un moteur semblait s’être mis en route. Un groupe électrogène, sans doute, songea Ryan. Il distingua de petites ampoules en verre pleines de poussière. Elles étaient protégées par de petites grilles en métal rouillé. Les petits filaments s’allumèrent un par un le long du grand escalier en béton. Il y avait plus d’une centaine de marches ! Le ronronnement de la mystérieuse machine du bout du couloir disparut soudain. La lumière venait de s’éteindre.

– Et voilà. Je m’en doutais. Le groupe électrogène nous a lâché ! Soupira Bones.

Le froid commençait à gagner Fox et Ryan. Ryan était vêtu d’un sweat-shirt à capuche bleu au logo de l’équipe des Falcon de l’Air Force. Fox portait quand a lui un léger pull-over en coton. La température n’excédait pas 13 degrés dans le tunnel. Ils commençaient à grelotter.

–       Qu’est ce que c’est que ça ? S’écria Ryan, paniqué.

–       Quoi ? Demanda Fox, aux aguets.

–       Le bruit aigu que l’on vient d’entendre ! On aurait dit des petits clics répétitifs ! Annonça l’homme au sweat à capuche d’étudiant.

–       Tu as raison… On dirait… que ça se rapproche ! Chuchota Fox dans le noir.

–       Pas un bruit. Ne bouge pas. Ca vient ! Annonça Ryan.

–       Mes cheveux ! Cette chose m’a frôlé les cheveux ! Déclara le copilote, terrorisé.

–       Idiot … ! Ce sont juste des petites chauves-souris ! Annonça le pilote.

A l’aide de leur petit radar à ultra-sons, les chiroptères se dirigaient très précisément, sans lumière, en évitant les obstacles, vers le haut de l’escalier.

–       Il nous reste encore quelques allumettes. Déclara Fox.

–       Tentons de descendre l’escalier jusqu’en bas. Proposa Bones.

Nos trois compères descendirent l’escalier à la lumière de l’allumette. De l’eau suintait le long de la paroi en béton. Ils arrivèrent jusqu’à une grande porte en métal peinte en vert foncé. Ryan senti l’eau glacée s’infiltrer jusque dans ses chaussures. Il commençait à avoir froid. Sur la voûte, il distingua la marque de coffrage des planches de bois qui avaient été utilisées durant de la construction de l’ouvrage en béton armé.

La lumière de l’allumette s’éteignit de nouveau.

–       Notre réserve d’allumette s’épuise et il commence à faire froid. Annonça Fox.

–       Combien nous en reste t’il ? Demanda Ryan, qui avait l’impression d’être congelé comme un bâtonnet de poisson pané d’Alaska.

–       Plus que deux ! Annonça le copilote.

–       Seulement ? Questionna le pilote.

Le grand gaillard musclé craqua l’avant-dernière allumette. Devant eux se tenait un grand volant vert kaki. Ryan tenta de tourner le long volant métallique qui servait à faire pivoter la porte blindée sur ses appuis. Il n’y parvint pas.

–       C’est coincé. Annonça t’il.

La lumière de l’avant-dernière allumette fut à nouveau soufflée par un courant d’air glacial.

–       Et voilà. Fantastique ! Nous voilà coincé dans un escalier au milieu de nulle part. Dans le froid. Avec de petites bestioles qui débarquent dans nos cheveux ! S’exclama Fox.

–       Sans lumière ! Annonça Ryan.

–       Attendez moi ici. Je reviens. Répondit Bones.

–      Fantastique ! Il nous laisse encore en plan ! Déclara Fox.

– Arrête tes simagrées. Je ne t’inviterais plus la prochaine fois si tu continues ! Annonça Ryan.

Bones remonta le grand escalier en béton à grandes enjambées. Il récupéra la vieille lampe tempête accrochée sur une poutre du hangar, puis redescendit par la trappe. A l’entrée du souterrain, il actionna de nouveau le levier. L’ingénieux système de poulies et de contrepoids fit de nouveau basculer le mur de la cave et le casier à bouteille. L’entrée du souterrain était de nouveau invisible. Le courant d’air glacé s’arrêta net.

En bas de l’escalier, Fox et Ryan étaient en plein pugilat. La crise des allumettes atteignait son niveau critique.

–       Je ne te donnerai pas la dernière allumette ! Déclara Ryan d’un ton péremptoire.

–       Allez, tu m’énerves. Allume la ! J’ai trop froid. On va terminer congelé dans cette cave ! Déclara Fox, qui grelottait.

–       On doit attendre que Bones revienne ! C’est une allumette, pas un poêle à bois ! Répliqua Ryan, les pieds trempés.

–       Les chauves-souris reviennent, écoute ! Elles vont nous sucer le sang si tu ne craques pas la dernière allumette ! Blagua Fox, qui avait entendu le petit cliquetis du radar revenir le long de la paroi.

Ryan craqua la dernière allumette. Le long couloir s’éclaira légèrement. L’eau qui suintait du plafond laissa apparaître de petites stalactites blanchâtres.

–       Et voilà ! Tu es content ? S’exclama Ryan qui observa un instant le long couloir noir qui se dressait devant lui.

La lumière revint un instant, mais malheureusement, le pilote avait craqué son allumette juste en dessous de la stalactite… Une grosse goutelette d’eau glissa sur la main de Ryan. Il avait juste eu le temps d’apercevoir un rond jaune avec à l’intérieur, trois petits triangles de la même couleur. « Fallout Shelter » avait-il eu le temps de lire.

–       C’est un abri anti atomique !

–       Oh ! Et l’entrée est quand même sacrément bien dissimulée ! Au milieu de toutes ces bouteilles… Je n’aurai jamais cru qu’on puisse arriver dans un endroit pareil ! Un simple hangar à bateau au bord du lac qui dissimulait l’entrée d’un abri antiatomique ! C’est totalement incroyable ! S’exclama Fox.

Soudain, un jet de lumière illumina le pilote et son copilote au fond de sa cave.

–       J’ai refermé l’accès principal et j’ai récupéré cette vieille lampe tempête dans le hangar. Pour la porte, nous allons devoir forcer un peu, l’abri n’a pas servi depuis des années. La dernière fois que j’ai mis les pieds ici, c’était avec mes parents, lors de la crise des missiles Pershing, en 1979, annonça Bones.

Les muscles de Ryan et Fox, qui, pour une fois, servaient à autre chose qu’à impressionner les filles et les collègues de la salle de musculation se contractèrent de toute leur force. Le vieux volant métallique pivota dans le sens des aiguilles d’une montre. Un long grincement résonna en écho dans l’escalier. La lourde porte pivota lentement vers l’intérieur de l’abri.

–       Heureusement pour nous, il doit encore rester un peu de graisse sur ce mécanisme, chuchota Ryan.

–       Et tu as vu la taille de cette porte ? Elle fait au moins un mètre d’épaisseur ! Constata Fox.

–       Refermons cette porte rapidement.  Déclara Bones.

***

Chateau Petrus 1947

Chateau Petrus 1947

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7. Un voisin bien curieux

Samedi 6 Octobre 2012. Fin de soirée.
Lake Shadow, Colorado, USA.

Bones avait récupéré une nouvelle bouteille de whiskey dans le bar de la cuisine en revenant du grenier. Il revint sur la terrasse ou étaient assis Fox et Ryan. Sa veste était pleine de toiles d’araignées.

–       Dites-moi, votre Crezy qui connaît tout sur tout le monde, à quoi ressemble-t-il ? demanda Bones.

–      Crezy ? Il porte de grosses lunettes noires en acétate. Il est chauve. On dirait qu’il ressemble…à un vieux hiboux ! Répondit Ryan, un peu attaqué par le liquide ambré.

–       Tout à fait, une chauve-souris, plutôt fripée,  je dirai même, répondit Fox qui venait de terminer un nouveau verre d’Old Bushmills Irlandais.

De grosses lunettes noires en acétate, un type chauve… une société basée à Aurora… une tête de vieux hiboux ? Crezy. Mais bien sûr ! Je  m’en rappelle maintenant ! Songea Bones qui garda l’information pour lui.

–       Avez-vous eu récemment des flashs rouges et une sorte de coup de chaleur en pleine nuit, avec un léger mal de ventre au réveil, demanda Bones, qui se doutait désormais de l’origine des rêves étranges de Fox.

–       Euh… des flash rouges…. Comme…les yeux rouges ? Répondit Fox.

–       Oui. Et une odeur bizarre, et de la chaleur, tout à coup ? Et mal au ventre après ? Questionna Bones.

–       Oui ! Affirma Fox.

–       Je vois, répondit Bones, qui avait parfaitement saisi la situation.

Ryan était étonné par la réaction de Bones. Il n’avait pas osé en parler à Fox… mais… lui aussi avait fait des rêves bien étranges…L’alcool aidant, il se mit lui aussi à parler.

–       Effectivement, moi aussi, je me suis bien réveillé plusieurs matins avec un léger mal de ventre et un flash rouge … et une sorte d’odeur bizarre répondit Ryan.

–       Ah, tu vois, toi aussi ! Répliqua Fox ! Tu me prenais pour un dingue !

–       Et vous vous êtes réveillés, comme si rien ne s’était passé, déclara Bones.

–       Oui ! C’est bien ça ! Répondirent Fox et Ryan, presque en chœur.

–       Eh bien, rentrons à l’intérieur. Annonça Bones d’une voix grave.

–       Mais qu’est-ce que tout cela signifie ? Demanda Ryan.

–       Vous avez sûrement fait un mauvais rêve, voilà tout. Annonça Bones d’un air mystérieux.

***

Shadow Mountain

Shadow Mountain

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6. Le doux pays des rêves

Samedi 6 Octobre 2012. Fin d’après midi.
Lake Shadow, Colorado, USA.

La route était bordée d’arbres. L’eau, couleur sombre, se reflétait sur les vitres du gros 4X4 Lincoln Navigator. Fox et Ryan passèrent à côté d’un petit motel situé à gauche à l’entrée de la ville, puis ils arrivèrent à destination. La maison familiale était située sur le bord du lac Shadow. Bâtie en 1947, la grande bâtisse dominait le lac et les montagnes de ses trois étages. Au rez-de-chaussée, un petit hangar à bateau entièrement en bois donnait directement sur le lac. Il renfermait une petite barque en acajou qui servait d’annexe au fin voilier que Bones avait hérité de son père. Au premier étage, une grande terrasse avait vue sur un splendide panorama. Le reflet de la grande étendue d’eau bleu sombre traversait les quatre grandes baies vitrées et éclairait la pièce. Une grande terrasse en bois sur pilotis permettait de profiter du paysage. A l’intérieur du salon, deux grands canapés en cuir étaient disposés face à une large cheminée en pierre. On accédait à l’étage supérieur par le grand escalier. Principalement consacré au travail et à la lecture, le deuxième étage comprenait une grande bibliothèque en bois contenant de nombreux ouvrages anciens, deux grandes chambres et un grand bureau. En poussant les portes, au troisième et dernier étage on accédait à quatre grandes chambres dont deux avaient vu sur le lac. Enfin, sous les combles un grand grenier servait à stocker le bric à brac familial depuis 1947. Il avait servi de repère à Bones dans sa jeunesse quand il venait en vacance. Trois petites lucarnes aux vitres ternies par le temps faisaient rentrer un peu de lumière.

Un mètre quatre-vingt-quatre, la cinquantaine, Bones avait effectué ses études dans une université américaine prestigieuse. Après de brillantes études, il travaillait désormais comme consultant dans un think tank à Washington D.C., la capitale fédérale américaine. « Fondation pour le Conseil Stratégique », pouvait-on lire sur la grande plaque de marbre blanc scellée à l’entrée de la vénérable institution où il travaillait. Bones venait parfois, le week-end, profiter de l’air frais et de la tranquillité du Colorado dans l’ancienne maison familiale pour lire et se détendre.

Après quelques courses, la visite de la maison terminée, Fox et Ryan s’installèrent sur la terrasse en bois, face au lac. Le soleil commençait sa descente sous les cimes des montagnes. Le barbecue fumait.

–  Alors, comment se passe ton nouveau Job, Ryan ? Demanda Bones.

– Pas trop mal. Nous travaillons dans une société de transport médical en Europe en ce moment. Répondit Ryan.

– Et toi, Fox, tu travailles avec Ryan ? Questionna Bones.

– Oui. Nous nous sommes sortis de la promotion de l’Air Force Academy à un an d’intervalle ! On s’était déjà aperçu à quelques soirées. Nous nous sommes ensuite retrouvé par hasard dans la même société, expliqua Ryan.

– Ah, ça tombait plutôt bien !  Et alors, vous pilotez sur quoi ? Questionna Bones.

–  Des Jet. Learjet. Le modèle 35. C’est un bon avion, efficace, rapide, très facile à piloter.  Déclara Ryan.

– Facile à piloter… sauf quand tu oublies la moitié de la check-list ! Blagua Fox.

– Et c’est une grande société ? Demanda Bones, pour qui le nom de l’entreprise n’évoquait rien.

– Oh, pas vraiment. La compagnie possède une vingtaine d’avions. Je crois qu’elle possède aussi quelques hélicoptères. Pas plus de 30 appareils, affirma Ryan.

– Et en ce moment, vous volez vers quelles destinations ? Questionna Bones.

– Nous sommes basés en Europe. On fait surtout du Nantes – Paris Charles de Gaulle, annonça Fox.

– Ah oui ? Ah, la vieille Europe. Le bon pain et le bon vin. Vous avez eu le temps de visiter ? Questionna Bones qui partait parfois en vacances sur le vieux continent.

– Oui. Nous avons goûté leur fromage qui pue pendant un barbecue le long de la Loire ! Leur camembert et leur roquefort, c’est une horreur ! Impossible de discuter avec quelqu’un après avoir mangé un truc pareil ! Rigola Ryan.

– Ils ont aussi de toutes petites voitures. Quelle idée étrange ! J’en ai même conduit une ! Annonça Fox.

– Ah oui ! De véritables boîtes de conserve. Et la couleur ! On est rentré à quatre dedans, tu te rappelles ? Une Renault Twin-Ga. On n’y croyait pas ! Déclara Ryan, qui du haut de son mètre quatre vingt six, avait eu quelques difficultés pour entrer à l’arrière de la petite citadine à quatre places.

– Mais non, c’était une Twin-Go je crois. Violette. Il n’y a que les mangeurs de grenouilles pour rouler dans des voitures si petites avec une couleur pareille ! Se crut obligé d’ajouter Fox.

– Rassurez-moi, les Européens ont quand même la télévision et internet ? Blagua Bones.

– Pas sûr ! A mon avis ils ont encore accès à Internet avec des vieux modems téléphoniques et des écrans à tube cathodique ! Déclara Ryan.

– Et nous ne sommes pas sûr qu’ils se lavent tous les jours ! Rajouta Fox.

– Et est-ce que tu aurais l’adresse de la société, Ryan ? J’ai mon Ipad, j’irai bien voir votre flotte d’avion. Demanda Bones, coupant court aux clichés de Fox et de Ryan concernant le vieux continent.

– L’adresse du site est : H24médical.com, Ils n’ont pas un site internet très développé annonça le pilote.

– C’est étonnant ? C’est pourtant une entreprise commerciale ? S’interrogea Bones qui entrait l’adresse dans le moteur de recherche de la petite tablette tactile.

– Ryan, je n’ai aucun résultat. Ai-je bien orthographié le nom de la société ?

– Tu n’as aucun résultat ? L’adresse s’écrit H24médical.com, tout attaché. Détailla le pilote.

Bones entra l’adresse précise indiquée par Ryan. La page était noire. Il n’y avait plus de photographies des avions de la société. Plus rien. Une page vide. Comme si le vieux qui avait embauché Ryan chez H24 avait fait disparaître le site internet.

–       Le serveur du site internet est sûrement en panne ? Songea Bones, étonné.

–       Peut-être ? C’est tout de même étonnant, pensa Ryan, aussi étonné que Bones.

– Et toi, Fox ? Comment trouves-tu ton travail dans l’entreprise ? Questionna le propriétaire de la maison au bord du lac.

– Eh bien… le directeur est une vraie fouine. Mais sinon, ça va, à peu près. Annonça Fox, qui se souvenait malgré tout de quelques rêves un peu étranges.

– Une vraie fouine ? Comment ça ? Questionna Bones.

–  Pendant l’entretien d’embauche, le recruteur semblait déjà tout connaître de notre passé… s’exclama Ryan.

–       Oui, comme s’il avait eu accès à nos historiques de connexion. Comme si ce type se prenait pour la NSA a lui tout seul ! Répliqua Fox.

–       Je confirme, acquiesça Ryan. Il connaissait tout, de mes SMS à mon historique de connexion internet.

De plus en plus étrange…N’importe qui n’a pas accès à la base de donnée de la NSA comme ça… songeait Bones en écoutant Ryan.

–       Dites-moi, la société qui vous a embauché, où est-elle ? à Denver ? N’est-ce pas ? Demanda t’il.

–       Oui, à Aurora, précisément, annonça Ryan.

–       Et celui qui vous a embauché chez H24 médical, comment s’appelle-t-il ?

–       Crezy. Buckmindster. Annonça Ryan.

Crezy. Buckmindster. Ce nom disait quelquechose à Bones. Il ne se rappelait plus précisément du moment mais il se rappelait du nom. Les côtelettes grillées et les pavés de bœuf disposés sur le barbecue étaient cuits à point. Fox ne semblait pas dans assiette. Il regardait au loin vers le lac. L’air pensif.

–       Fox, à quoi penses-tu ? Demanda Ryan.

–       Rien, rien. Tu prends du ketchup ou de la mayo ? Répliqua Fox, le regard vide.

–       Du Ketchup, annonça Ryan, qui se demandait bien à quoi pouvait bien penser son copilote.

La météo était parfaitement dégagée. Le soleil couchant rendait le ciel orange. Celui-ci se reflétait tel un miroir sur l’eau du lac Shadow. Bones apporta un petit coffret en bois clair.

– J’ai sorti une bonne bouteille ! Annonça Bones.

Le liquide ambré contrastait avec la couleur sombre du lac. Sur la petite étiquette noire Ryan put lire, en caractères dorés, Old Bushmills single Malt. 21 ans d’âge.

–       Avec glace ou sans glace ? Proposa Bones.

–       Avec glace. Annonça Ryan.

–       Sans glace, répondit Fox, qui se rappelait avoir vu de la neige dans son rêve au petit matin.

Ils enchainèrent plusieurs verres. Fox, sous l’effet de l’alcool, annonça à Ryan :

–       Tu sais, j’ai fait un rêve étrange, cette nuit.

–       Ah bon ? Quel rêve ? Un rêve érotique ? Blagua Ryan.

–       Non. C’était comme si nous avions effectué un vol vers la mer de Norvège. Il me semble que notre avion, enfin… le pilote automatique… a pris les commandes… nous sommes arrivé à une haute altitude, au dessus des nuages… Nous transportions un malade depuis l’aéroport de Nantes, en France…nous avons eu une tempête, puis, plus rien. Enfin. Une plateforme, un hangar. De la neige, déclara Fox.

–       Mais bien sûr, répondit Ryan en rigolant ! Il débloque, hein ? Cherchant du soutien du côté de Bones.

Bones était pensif lui aussi. Il décida de questionner un peu plus les deux pilotes sur la société qui venait de les embaucher. Son réseau d’amis était relativement bien structuré et cette affaire l’intriguait. Le soleil venait de disparaitre de l’horizon. Il alluma de petits lampadaires. La lumière blanche  de la terrasse se reflétait sur l’eau sombre du lac situé en contrebas.

–       En fait, je suis sûr d’avoir vu un putain de hangar avec de la neige… et une ambulance… et … plus rien ! Et nous avions atterri sur une plate forme dans le ciel. Continua Fox.

–       Mais oui ! Tu bois trop de Whiskey ! Voilà ce que ça donne ! Hein, il débloque ? S’exclama Ryan, qui avait presque honte de l’avoir invité.

– J’ai eu des sortes de flash rouges, aussi. Annonça Fox.

– Des flashs rouges ? Comment ça ? Questionna Ryan qui avait un peu honte de son invité chez Bones.

– Les yeux rouges. Déclara t-il. Et mal au ventre après ! Déclara le copilote.

– Tu as sûrement du manger quelque chose de périmé ! Voilà tout. Affirma Ryan.

Bones, l’air songeur, ne répondait pas. Il regardait le lac, au loin, et, de ses yeux perçants, il remarqua un petit voilier qui avait jeté l’ancre en face de sa maison. Il jeta un coup d’œil tout en continuant à servir les grillades. En observant de plus près le petit voilier, il lui sembla apercevoir un reflet et une ombre noire bouger au niveau du pont du bateau. Il était vingt-deux heures passées et personne ne naviguait habituellement sur le lac à une heure pareille.

– Je pars chercher une nouvelle bouteille de whiskey dans la cuisine, je reviens. Annonça Bones d’un air soucieux.

Il disparut dans la maison, laissant Ryan et Fox en plan sur la terrasse avec leurs grillades.

–       Bon alors, tu divagues toujours autant avec ton hangar, ton ascenseur et ta neige ? Tu es à moitié parano en ce moment ! Tu devrais aller voir un psy. Déclara Ryan.

–       Arrête ! C’était sans doute un mauvais rêve… je ne sais pas, mais je suis sûr d’avoir vu ça ! Ce n’est pas le whiskey. Sais-tu où est partit Bones ? Demanda Fox.

–       Il est parti chercher une bouteille, il avait l’air pensif. Annonça Ryan.

Bones se dirigea à l’intérieur de la maison d’un pas assuré. Il traversa la grande baie vitrée jusqu’à la cuisine. Il ouvrit trois tiroirs. Rien. Son regard parcouru le salon de long en large. Les étagères remplies de livres ne contenaient pas non plus ce qu’il cherchait. Bones se rappela désormais où aller. Il grimpa les escaliers quatre à quatre jusqu’au grenier. En moins de deux, il ouvrit la petite porte en chêne. Elle grinça sur ses gonds et une toile d’araignée s’accrocha dans ses cheveux. Il entra dans la longue pièce au plafond en bois clair mansardé. A l’intérieur du vieux grenier, il retrouva ses anciens magazines. De vieux exemplaires de popular science des années quatre-vingts et de vieux livres qu’il avait lus pendant son enfance. Un lourd et vieux coffre en bois, semblable à un coffre de vieux galion pirate était posé au milieu du grenier. Où est donc la clef de ce vieux coffre ! Songea t-il. Il tenta d’ouvrir le cerclage métallique. Suspendue à un crochet sur une des poutres maîtresses de la charpente, il retrouva la petite clef dorée. Il l’introduisit précautionneusement dans la serrure. Une tonne de poussière tomba sur le sol. A l’intérieur du coffre, posé sur des piles de magazines… il retrouva … ses vieilles jumelles ! La petite lucarne n’avait pas dû être nettoyée depuis au moins trente ans. Elle laissait filtrer un soupçon de clarté lunaire dans le grenier. L’ampoule à incandescence cristalline tremblotante fixée au plafond éclairait d’une lueur vacillante les poutres de la charpente. Bones tourna le vieil interrupteur. La faible lueur de l’ampoule disparut. Il entrebâilla ensuite très légèrement une des lucarnes qui donnait sur la toiture en ardoise. Debout sous la lucarne, Il colla l’œil à l’oculaire de ses jumelles puis régla subtilement la molette centrale de mise au point. Le dioptre convergea à l’intérieur du petit mécanisme. Au dessus de la terrasse, au dernier étage de la maison, il observa Ryan et Fox sur la terrasse. Enfin, il visa l’horizon. Il aperçut les montagnes au loin. Elles semblaient taillées dans le roc. Au loin, il regarda vers le lac. Il ne rêvait pas : un homme, accroupi était sur le pont du voilier, juste en face, en train de les observer avec un énorme téléobjectif ! Un deuxième homme se trouvait à l’avant du bateau, en train de remonter l’ancre. Il rangea soigneusement les jumelles dans le grenier et retourna sur la terrasse où se trouvaient Fox et Ryan.

***

Lake Shadow, Colorado

Lake Shadow, Colorado

 

Notes :

25. Code of Federal Regulations Title 21, Sec. 74.303 FDC Red No. 3.
http://www.accessdata.fda.gov/scripts/cdrh/cfdocs/cfcfr/CFRSearch.cfm?fr=74.303

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5. Matrice de Butler

Après leur atterrissage en Alaska, l’ambulance avait amené Fox et Ryan dans un hôpital militaire situé dans une zone interdite. On les avait ramené chez eux. Ils avaient repris le travail. Ils ne se rappelaient plus de rien. Ou presque22

***

Quinze jours plus tard,
Denver, Colorado, USA.

Ryan et Fox se souvenaient uniquement des nombreux vols de transferts médicaux en Europe entre Nantes et Paris-Charles de Gaulle. Après quinze jours de transferts médicaux sans avoir constaté d’éléments particuliers, les deux pilotes étaient rentrés chez eux, aux Etats-Unis. Ils étaient en vacances pour une semaine, dans l’état du Colorado, à l’ouest des Etats-Unis.

***

Fox venait d’acheter une maison dans un quartier résidentiel situé à l’ouest de la ville de Denver. Une rangée de jeunes arbres était parfaitement alignée. Une petite route en béton, en parfait état, accueillait les visiteurs. La maison du copilote était de style tout à fait classique pour la région. La grande façade avait été construite en briques rouges et les étages étaient recouverts de bois peint en gris clair. La demeure comprenait quatre chambres, quatre salles de bain et un grand jardin. Ça sera parfait pour les barbecues avait pensé Fox quand il avait visité la maison ! La situation géographique, à proximité du Golf de Bear Creek l’avait convaincu. Le prix, raisonnable selon lui, était de 633 000 dollars. Il avait même réussi à négocier une remise, prétextant que sur l’annonce, la piscine de la maison était privative, alors qu’en réalité, elle était commune avec les autres maisons du quartier ! La maison lui avait finalement coûté 621 000 dollars.

Le salaire de copilote de Fox était d’environ 10000 dollars mensuel. Cela lui permettait de rembourser le crédit de 3200 dollars par mois pour sa maison et de s’offrir quelques loisirs. Profitant de son salaire, il s’était acheté, à crédit, deux automobiles. Un gros 4X4 Lincoln Navigator qu’il était allé cherché le matin même à la concession Général Motors, et une Dodge Camaro cabriolet grise, acquise depuis moins de six mois. Fox avait même fait changer les jantes de 18 pouces de son Navigator par des modèles de 21 pouces. Ça fait plus classe ! Avait-il déclaré. La consommation du véhicule n’entrait pas vraiment dans ses considérations d’achat. Il avait hésité entre la version deux roues motrices et la version 4X4. Il avait finalement opté pour la version la plus chère. « Quatre roues motrices, si vous allez faire du ski du côté de Pikes Peak le week-end, c’est indispensable ! » avait annoncé le vendeur de la concession GM.

Plutôt grand, les cheveux châtain clair coupés court, Fox avait des yeux noisette et un visage longiligne. A l’âge de 16 ans, il avait commencé à piloter sur le petit monomoteur à hélice de ses parents, un Cessna 172. Puis, il avait passé son brevet de pilote. Enfin, il avait, comme Ryan, passé les concours de l’Air Force Academy. Il était de la promotion 2008. Un an après celle de Ryan. En 2010, sur les conseils d’un ami qui travaillait pour une compagnie pétrolière, « New green Oil », « Le nouveau pétrole vert », il avait lui aussi reçu la carte de Buckmindster Crezy, et s’était présenté dans la tour de bureau d’Aurora. Célibataire, il travaillait depuis maintenant deux ans pour H24 Médical.

***

Samedi 6 Octobre 2012, quinze jours plus tard, le matin.
Lakewood, Colorado, USA.

Fox, le copilote de Ryan était dans la chambre la maison qu’il venait d’acheter dans la banlieue de Denver, à Aurora. Il avait mal dormi. Il s’était réveillé au beau milieu d’un rêve étrange. Il avait rêvé d’une étrange piste d’atterrissage suspendue au milieu du ciel et d’un hangar, au beau milieu de l’Alaska… Il n’avait pourtant jamais mis officiellement les pieds là-bas. Les derniers transferts médicaux qu’il avait effectués pour le compte de la compagnie H24 Médical partaient de Nantes pour relier Paris, en Europe.

J’ai sûrement fait un mauvais rêve, songea t’il.  Fox se leva et alla dans la cuisine pour préparer son petit-déjeuner. Un œuf, quelques saucisses, et surtout, du bon bacon, frit et grillé dans la poêle. Son téléphone BlackBerry sonna. La petite horloge numérique indiquait 9:00 AM. C’était Ryan.

–       Salut, ça va !

–       Oui et toi ? Bien dormi ?

–       Quoi de prévu ce soir ? Demanda-t-il ?

–       Rien pour le moment.

–       Un ami nous invite dans sa maison familiale pour le week-end. Il habite à côté de Grand Lake, c’est dans la montagne, à deux heures d’ici. Je crois qu’on doit pouvoir faire peu de voile sur le lac. Il a un voilier. C’est un ami de mes parents, annonça Ryan.

–       Ah, ça tombe bien. J’ai reçu mon nouveau 4X4 hier, je peux t’emmener, annonça Fox.

–       Ta nouvelle caisse ? Mais tu n’avais pas déjà acheté une Dodge Camaro !

–       Si, mais j’ai encore craqué ! Je viens de recevoir un Lincoln Navigator. Annonça fièrement Fox.

***

Bones était un ami de longue date des parents de Ryan. Ils étaient allés à l’université ensemble. Régulièrement, Ryan avait passé ses vacances dans la maison familiale. On pouvait y pratiquer la pêche, de la voile et profiter de l’air vivifiant du lac Shadow, dans la montagne, à l’Ouest de Denver.

***

Le Lincoln Navigator de couleur noir tuxedo de Fox stationna devant la maison de Ryan. Les jantes de 21 pouces noir mat et le chrome luisant sur la calandre faisaient un peu nouveau riche, mais Fox avait pensé qu’un 4×4 était indispensable pour aller faire du ski le week-end du côté de Pikes Peak.  Par ailleurs, ça lui permettait aussi de tracter son bateau quand il allait faire de la pêche, le week-end.

–       Sympa, ta nouvelle caisse, mais les jantes, ça fait un peu gang de dealer !  Tu as pris l’option suspensions qui sautent, aussi ? Annonça Ryan, qui pensait aux clips de rap et aux gangs du coté de Los Angeles.

–       Très drôle. Non, tu as juste les suspensions pilotées. Et tu as vu ? J’ai pris l’option commandes vocales !

–       Ah oui ? Fais voir ce gadget ? Ca fonctionne comment ?

–       Regarde !

–       « Amène nous à Grand Lake, Colorado » annonça fièrement Fox.

–       Destination Grand Lake, Colorado, annonça d’une voix de robot le GPS dernier modèle du véhicule.

L’itinéraire s’afficha sur le GPS.

–       Commande nous des pizzas, met nous du soleil à l’arrivée et fait du café ! Et plus vite que ça ! Demanda Ryan.

–       Pizza soleil café… s’inscrivit sur la console centrale du Lincoln Navigator.

–       « Erreur système ».

–       Ça ne marche pas ton truc, la NSA n’a pas encore un système de reconnaissance de mots-clefs suffisamment puissant ! Il n’est pas encore relié à la recherche vocale Google. Rigola Ryan.

–       Arrête de vouloir toujours faire planter les ordinateurs ! Déclara Fox.

Le gros V8 ronronnait tandis que le GPS affichait la circulation. Trafic normal indiquait-t-il. Le trajet devrait durer très précisément 1 heure et 58 minutes. L’écran indiquait la météo à l’arrivée. Du soleil. C’est parfait, pensa Ryan. La stéréo diffusait Surfin Safari des Beach Boys sur les enceintes et les caissons de basses, certifiés THX23, du véhicule. Le véhicule emprunta l’Interstate 70 jusqu’à la sortie 232.  Fox prit la sortie, direction Empire24 par l’US 40. La route se réduisait de quatre à trois voies. Au loin, on apercevait la montagne. La route qui suivait le fond de la vallée devint plus sinueuse. Sur la montagne décharnée, de minces poteaux électriques en bois étaient chargés d’amener l’électricité jusqu’au sommet de la montagne. Le 4X4 continua son ascension. Il se penchait un peu dans les virages. Fox activa le mode sport de la suspension. A gauche et à droite de la route, des parapets et des filets étaient destinés à éviter les chutes de pierres sur la route. Il s’arrêtèrent à Berthoud Pass admirer le paysage. Un panneau en bois indiquait l’altitude : 11307 pieds. Du regard, on pouvait parfaitement distinguer toute la vallée. Un énorme panneau orange indiquait aux promeneurs les risques d’avalanche.

***

***

Berthoud Pass, Colorado

Berthoud Pass, Colorado

 

Notes :

22. Henrik Nord, Implementation of a 8X8 Butler Matrix in microstrip, Institut für Nachrichtentechnik und Hochfrequenztechnik at Technische Universität Wien.
23. Georges Lucas, 1971, THX 1138.

24. Georges Lucas, 1981, L’empire contre attaque, Star Wars.

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4. La porte des étoiles

Arrivé à environ 65000 pieds, le jet commença progressivement à ralentir…

–       Je n’avais pas postulé pour conduire une ambulance des air qui se balade toute seule dans des endroits bizarre ! Déclara Fox.

–       Mais moi non plus ! répondit Ryan, l’air franchement inquiet.

Nos deux pilotes étaient entrainés à toutes les situations.  Panne de moteurs, panne de l’ordinateur de vol, panne du train d’atterrissage… Mais là, l’ordinateur de vol venait de prendre les commandes à leur place. Il ne leur laissait plus le choix du plan de vol ! L’appareil atteignait mach 0.74. Sur l’altimètre, Ryan lut à haute voix : Soixante-dix-mille pieds.

–       Cet avion est devenu fou ! Il veut nous poser à 70000 pieds ! je savais que c’était mal conçu, leurs systèmes cognitifs et leurs nouvelles interfaces tactiles ! S’écria Fox.

–       Oui, eh bien, on dirait même qu’il nous a lancé une séquence automatique d’atterrissage… notre vieux Learjet !

–       Vieux, vieux… pas si vieux que ça. La carlingue est ancienne mais l’électronique de bord est toute neuve ! Et leur système n’est pas au point !

–        Tu es sur qu’ils ne nous ont pas transformé notre jet C-21A en un truc de la NASA sans nous le dire ?

–       Tu as raison, c’est la navette spatiale Atlantis, gérée par Von Braun.

–       C’est ça. Je vais me teindre en blond aux yeux bleus.

–       Très drôle.

–       Regarde, on ne voit rien plus rien. Tu as remarqué ces méchants cumulonimbus à l’avant de l’appareil ? Regarde le radar météo. Il n’annonce rien de bon. Nous allons essuyer un orage !

–       Nous allons devoir nous accrocher ! Mais sans les commandes, je ne vois pas trop ce qu’on peut faire ! Nous ne pouvons même pas modifier la vitesse de l’appareil !

–       Je crains le crash. Préviens l’ambulancier et notre malade à l’arrière ! S’exclama Ryan.

***

Dehors, tout était noir. Les éclairs zébraient le ciel. Les instruments de bords affichaient de fausses indications liées aux variations de vitesse. Les écrans LCD se brouillaient malgré le blindage électromagnétique. L’appareil fut pris de violente secousses. Ils traversaient une zone de turbulence. Fox alluma les lumières et les phares de l’appareil.

–       Nous n’avons plus le contrôle sur les volets et les aérofreins. Je n’aime pas ça, déclara Fox.

–       Regarde l’extrémité des ailes ! L’ordinateur nous les sort tout seul ! Allez, voilà, c’est parti. Dix degrés de volets. Déclara Ryan.

–       Tu déconnes. Tu as fait quelque chose ? Questionna le copilote, inquiet.

–       Tu as l’impression que j’ai fait quelque chose ? Répliqua Ryan.

–       Non ! Mais tu devrais peut-être ?! Ça changerait.

–       On ne peut rien faire… Ça semble automatique.

–       Tu as raison, voilà, notre jet sort le train d’atterrissage comme un grand.  Nous n’avons plus rien à faire ?

–       Et il remet ça. Vingt degrés de volets ! Il se fait plaisir, indiqua Ryan.

–       Tu as vu ça ? Regarde en face, juste là.

–       Oh ! C’est totalement incroyable ! S’exclama soudain le pilote.

Le ciel était passé du noir au bleu azur en une fraction de seconde. La perturbation avait totalement disparu ! Il n’y avait plus le moindre nuage à l’horizon.

***

Ryan remarqua une structure se détachant du ciel bleu azur. C’était comme une immense structure métallique. Elle semblait accrochée au sommet du ciel par de longs et fins poteaux métalliques en acier inoxydables. Au dessus de la structure,  pouvait distinguer un immense réflecteur métallique en aluminium. La taille du réflecteur était tout simplement démesurée… Ryan et Fox n’en croyaient pas leurs yeux. Ils atterrissaient à proximité… de ce qui apparaissait comme… un soleil ! Ils attrapèrent leurs lunettes de soleil, des Rayban aviateur en métal, aux verres teintés de couleurs gris-vert dans une pochette à l’arrière des sièges.

–       C’est absolument incroyable. Tu as vu la taille de cette sphère géante ?

–       On dirait bien que cette sphère métallique contient … le soleil ?

–       Mais quelle est la source d’énergie de cette immense source de lumière ?

–       Je ne sais pas, répondit Fox, circonspect devant la taille de l’immense réflecteur métallique qui entourait la boule de feu !

–       Ce soleil doit sûrement briller à partir d’une source d’énergie atomique ! Déclara Ryan.

–       Tu veux aller bronzer sous le solarium ? blagua Fox en regardant l’immense étendue éclairée sous cette gigantesque source lumineuse.

–       Très drôle. J’ai oublié ma crème solaire… c’est vraiment dommage… ! Répliqua le pilote.

***

L’avion s’éloigna progressivement du soleil atomique situé tout en haut de la plateforme métallique suspendue au ciel. Il continua sa descente.

–       Regarde ! C’est une piste suspendue à la plateforme en plein ciel ! S’exclama Ryan.

–       On dirait une piste de porte avion suspendue ! Ajouta le copilote.

Sur les côtés de la piste, de fines et longues barrières en verre trempé à triple paroi se dressaient, presque invisibles.

L’atterrissage de l’avion s’effectua comme dans un rêve. Le petit jet se cabra doucement. Les roues touchèrent le sol en douceur. Ensuite, l’avion roula jusqu’au taxiway Z et emprunta ensuite le taxiway X. L’avion s’arrêta précisement sur la marque de peinture blanche dessinée sur le sol.  L’arrivée était gérée au centimètre près par l’intermédiaire de la liaison satellite GPS, des gyroscopes de l’appareil, et de la triangulation radio.

Un gigantesque hangar était situé sur le côté de la piste. Il était très haut. Le haut du hangar semblait toucher le ciel. L’immense porte roula  sur ses gonds.  Le Learjet avança automatiquement à l’intérieur du hangar. L’intérieur du hangar était très moderne. De nombreux projecteurs illuminaient l’intérieur. Il n’y avait personne.

–       Regarde, Ryan ! Notre avion vient de s’arrêter de rouler !

–       Le moteur vient de se couper ! Je crois bien que nos roues viennent d’être calées automatiquement !

Ils étaient désormais dans le noir complet. Ryan et Fox allumèrent les lumières du poste de pilotage.

–       On bouge ! S’exclama Ryan.

–       C’est totalement fou. Notre avion monte ! Regarde la paroi !

Ryan vit défiler la grosse paroi en béton gris. Elle se déplaça de haut en bas durant cinq longues minutes. Un klong sonore marqua l’arrêt de la montée de l’appareil.

***

L’avion sortit de l’ascenseur automatiquement. Les roues de l’appareil devaient être équipées d’un petit moteur électrique. Ryan n’avait pas redémarré les moteurs. L’appareil vint se garer dans un grand hangar à proximité d’autres avions.

–       Nous sommes sorti de l’ascenseur ! Déclara Ryan.

–       Il nous gare automatiquement à côté d’autres Learjet identiques !

–       Mais combien sont-ils ?

–       Une centaine, au moins ! Constata Ryan qui explorait d’un regard curieux l’immense hangar où les avait transporté l’ascenseur à avion.

Ryan regarda le sommet du hangar. La voûte était en béton armé de grande épaisseur. L’immense porte du grand hangar coulissa. La lune apparut sur le pare brise de l’appareil. Quelques minuscules flocons de neige roulèrent sur le pare brise. La température s’abaissa soudainement dans le cockpit. Du givre zébra les petites fenêtres du poste de pilotage au milieu de la nuit noire. A travers la porte ouverte, ils distinguèrent parfaitement le ciel et les étoiles.

–       Mais où sommes nous ? Questionna Ryan.

–       Je n’en ai pas la moindre idée ! S’exclama Fox.

–       Tu as vu cette fumée ? Et ces tours de refroidissement ? Ça ressemble à un réacteur atomique ! Annonça le pilote.

–       Des réacteurs atomiques pour générer le soleil qui est juste en dessous ? C’est totalement incroyable.

–       Et regarde le thermomètre. Il affiche très précisément zéro degrés !

L’ambulancier frappa trois fois à la porte du cockpit. Ryan ouvrit la petite porte.

–       Un café ? Demanda le petit homme en blanc à lunettes d’un ton poli.

–       Volontiers ! Répondirent en chœur Fox et Ryan. Il commençait à faire froid, un café si gentiment proposé ne se refusait pas.

Des tourbillons de vent polaires s’engouffraient en tournoyant à l’intérieur du hangar, laissant le givre s’installer sur les ailes de l’appareil. Une tempête de neige se prépare, pensa Ryan.  Un petit homme vêtu d’un gilet orange se présenta à l’avant de l’appareil. Les roues du Learjet C-21A furent calées. Puis, des lumières rouges et bleues apparurent au bout du taxiway. Elles se dirigeaient vers le hangar où était garé l’avion. L’ambulance n’avait rien à voir avec les modèles européens, très petits en comparaison. Elle était grande, plutôt carrée. A l’avant, la calandre était légèrement camouflée par une sorte de bâche destinée à éviter au moteur de prendre froid. On pouvait y lire en grosses lettres rouges sur fond noir l’inscription G-M-C. A l’arrière, les roues étaient doublées. Alaska Health Service, Service de Santé d’Alaska lut Ryan sur le côté de l’ambulance.

–       Regarde la plaque et les gyrophares ! S’exclama t-il.

–       Alaska Health ? Mais… je ne comprends pas. Nous étions en haut de la mer de Norvège, en Europe et nous voilà… grâce à un ascenseur… au beau milieu de l’Alaska !

–       C’est à n’y rien comprendre.

–       La mer de Norvège qui communique avec l’Alaska en passant par une plateforme au niveau du ciel ! Déclara Fox, tout en buvant son café au goût un peu particulier.

–       Un porte dans le ciel ! S’exclama Ryan qui, lui aussi prenait une dernière gorgée du mystérieux liquide noir.

–       C’est bizarre, je suis fatigué, tout à coup… Il va falloir que tu prennes les commandes après, Ryan. Tu m’entends ? Ryan ? Demanda Fox une dernière fois avant de s’endormir.

Ryan ne répondait plus. Il dormait lui aussi d’un lourd et profond sommeil…

–       Bonne nuit mes petits, le marchand de sable vient de passer ! chuchota d’un air machiavélique l’ambulancier en blanc à l’arrière de l’appareil.

Le somnifère versé dans le thermos à café destiné à Fox et Ryan venait de produire l’effet désiré. Les deux pilotes dormaient profondément. L’ambulancier descendit de l’avion. Il passa la porte du grand hangar en béton. Des tourbillons de vent glacés lui gelaient les doigts. Il sortit de sa poche un tout petit téléphone satellitaire. Il était chargé. Il déplia la petite antenne puis composa le numéro situé dans la banlieue de Denver, à Aurora. Trois sonneries retentirent.

– Le plan se déroule parfaitement. Nous pouvons continuer l’opération comme convenu, Monsieur le directeur.

***

Les portes de la grande ambulance s’ouvrirent. Trois personnes furent chargées dans le GMC 33803. Les LED rouges et le bleues se reflétèrent un court instant dans la nuit noire au milieu de la tempête de neige qui commençait à souffler. Le V8 Turbo Diesel laissa échapper un grand nuage de fumée noire devant le hangar. Un court instant s’écoula, puis, les petits points lumineux des gyrophares disparurent de l’horizon polaire.

***

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